Manager dans la crise avec Gonzague de Blignières

Manager dans la crise avec Gonzague de Blignières

Interview avec Gonzague de Blignières, associé fondateur de RAISE, créé en 2013 avec Clara Gaymard. RAISE s’organise autour de quatre activités financières : RAISE investissement, RAISE REIM, RAISE Ventures et RAISE Impact, dont les équipes donnent 50% de leur intéressement pour financer un fonds de dotation nommé RAISESHERPAS qui accompagne des start-up en phase de post amorçage.

Quels sont les principes managériaux que vous appliquez en cette période de crise ?

Chez RAISE, les 50 salariés sont en télétravail depuis le début du confinement. Nous nous rendons compte que les bureaux nous manquent de même que les échanges en face à face, car l’empathie qui se manifeste dans la présence physique est essentielle aux relations humaines. Une bonne part de la communication s’effectue à travers les regards et les sourires. Or nous en sommes privés.

Pour gérer les équipes au quotidien, nous appliquons avec Clara Gaymard deux principes :  bienveillance et discipline.

Il est d’abord fondamental d’être dans la bienveillance car les conditions matérielles de confinement ne sont pas les mêmes pour tous. Il est, par exemple, très difficile de travailler avec des enfants en bas âge. Il nous faut être tolérants.

Cette bienveillance est à conjuguer avec beaucoup de discipline. Par exemple, nous demandons à tous d’être à l’heure pour les réunions. Il nous apparait essentiel de rythmer la semaine en établissant des rites tels que les réunions. Mais nous avons développé d’autres types de rituels. Nous avons un coach sportif qui, tous les soirs à 18h, nous propose un cours en visio-conférence. C’est l’occasion de se retrouver, de plaisanter ensemble et de vivre des temps informels qui nous fédèrent. Ce lien virtuel devient un lieu de communion où nous utilisons l’arme de l’humour et plaisantons ensemble. L’enjeu pour le dirigeant est d’être très attentif à l’ensemble de ses collaborateurs. En tant qu’associés, avec Clara, nous appelons régulièrement les collaborateurs individuellement pour prendre de leurs nouvelles et s’assurer de leur bonne santé, physique et mentale.

Enfin, l’important pour les chefs d’entreprise est de garder la capacité à prendre des décisions, une grande maitrise de soi, une autorité et de maintenir le cap. Pour cela, la communication est fondamentale.

En dehors de vos collaborateurs, quelles sont les actions que vous avez mises en place pour le reste de votre écosystème ?

La raison d’être de RAISE réside dans le fait d’accompagner les entreprises dans lesquelles nous investissons.

Dès le début de la pandémie, nous avons mis en place un soutien stratégique et opérationnel pour l’ensemble de nos participations mais aussi pour toutes les startups que nous accompagnons au sein de notre fonds de dotation RAISESHERPAS. Nous les appelons parfois quotidiennement pour certaines afin de les aider au plus près de leurs besoins. Nous sommes très attentifs à l’âme des managers, à leur santé, et nous veillons à leur donner des informations financières tout en valorisant aussi les nombreuses initiatives solidaires qu’ils entreprennent. Par exemple, RAISE est actionnaire de la société Socomore à Vannes qui habituellement développe des solutions expertes de préparation, contrôle et traitement de surfaces avant collage et assemblage (à destination de l’industrie des transports…) En complément de leurs activités habituelles, ils ont dédié une partie de leurs lignes de fabrication à la production de solution/gels hydro-alcooliques pour les hôpitaux et les industries.

Nous pratiquons la bienveillance vis-à-vis de nos collaborateurs mais également vis-à-vis de tout notre écosystème. Nous avons lancé le MEB (Mouvement pour une économie bienveillante) pour mobiliser et réunir tous les entrepreneurs qui croient, agissent et entreprennent autrement pour contribuer à rendre le monde meilleur. Nous voulons montrer qu’en étant plus généreux, plus inclusif, on peut être plus performant et plus durable. Nous souhaitions à cet égard, avant la crise, proposer une plateforme de mise en relation entre entreprises et associations, initiatives solidaires, projets citoyens. Ce développement nous apparait d’autant plus nécessaire aujourd’hui. D’ailleurs, nous assistons actuellement au développement d’une formidable solidarité. C’est ce que je vis personnellement avec le Club des 30, club qui réunit des chefs d’entreprise. Après le confinement, l’enjeu consistera à conserver ce mouvement d’empathie et de solidarité. Nous devons réfléchir à ce que la crise du Covid a transformé de positif dans notre manière d’être, d’agir et de travailler, afin de pérenniser ces acquis.

Vous soulignez ce qui a changé pour vous. Comment envisagez-vous le monde d’après ?

Tout s'est arrêté brutalement et nous ne sommes pas dans l'optique d'un redémarrage rapide, mais d'un redémarrage différent. Nous aurons dans cette reprise, un rôle clé à jouer. La finance est la seule façon de relancer l'économie qui s'est arrêtée du jour au lendemain. Mais une finance qui est au service de l'entreprise, qui ne s'occupe pas que d'elle-même.

D’un point de vue managérial, je dirais que mon regard de manager sur mes équipes est aujourd’hui différent. Avec Clara, nous avons adressé à nos collaborateurs un mail pour les remercier de leur présence et de leur engagement et exprimant toute notre fierté pour leur travail. Je ne suis pas sûr que nous le leur aurions adressé avant. J’ai été marqué par une vidéo la symphonie de la tendresse pendant le confinement et j’ose affirmer qu’il nous faut remettre de la tendresse dans le monde de l’entreprise.

Et vous Gonzague, comment vivez-vous cette période personnellement ?

Je suis catholique pratiquant et ma foi est un soutien solide dans cette période. Je lis beaucoup de textes inspirants. Le monde était en surchauffe et nous en étions finalement tous à la fois complices et victimes. Cette crise nous a aussi réappris l’humilité. Du jour au lendemain, nous pouvons redevenir peu de choses. Petit à petit, comme beaucoup de gens, je reprends goût aux choses simples.

Mon regard sur les autres change également. Je médite davantage. Comment garder ce regard demain, quand nous serons ensemble ? Je suis certain que demain, notre entreprise RAISE ira plus loin et qu’après la crise, le changement sera systémique dans la mesure où les dirigeants auront compris que ce qui importe est de se changer soi pour changer son entreprise et changer le monde. 


Florence Scholten

Directrice administrative et financiere-Certifiée AMF-Anglais courant-

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Merci pour cette belle interview. Sont bien mises en valeur les qualités indispensables d’un manager, tout spécialement en cette période de crise: communication, bienveillance et empathie, tant en veillant au respect de la discipline.

Philippe Declerck

Mid-size companies | Private Equity, Family holding | Packaging, B to B

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Bienveillance et discipline pendant la crise, empathie et bienveillance pour une reprise différente après la crise: leçon et vision fortes pour changer de regard sur notre système.

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